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DISCOURS SIXIÈME. 69

grands qu’ils ne feraient s’ils en avoient moins : or la raison qui les fait paroître plus proches est que le mouvement dont la prunelle s’étrécit pour éviter la force de leur lumière est tellement joint avec celui qui dispose tout l’œil à voir distinctement les objets proches, et par lequel on juge de leur distance, que l’un ne se peut guère faire sans qu’il se fasse aussi un peu de l’autre, en la même façon qu’on ne peut fermer entièrement les deux premiers doigts de la main sans que le troisième se courbe aussi quelque peu comme pour se fermer avec eux. Et la raison pourquoi ces corps blancs ou lumineux paroissent plus grands ne consiste pas seulement en ce que l’estime qu’on fait de leur grandeur dépend de celle de leur distance, mais aussi en ce que leurs images s’impriment plus grandes dans le fond de l’œil : car il faut remarquer que les bouts des filets du nerf optique qui le couvrent, encore que très petits, ont néanmoins quelque grosseur ; en sorte que chacun d’eux peut être touché en l’une de ses parties par un objet, et en d’autres par d’autres ; et que, n’étant toutefois capable d’être mû que d’une seule façon à chaque fois, lorsque la moindre de ses parties est touchée par quelque objet fort éclatant, et les autres par d’autres qui le sont moins, il suit tout entier le mouvement de celui qui est le plus éclatant, et en représente l’image sans représenter celle des