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36 LA DIOPTRIQUE.

distingué les usages ; car, voyant que les nerfs ne servent pas seulement à donner le sentiment aux membres, mais aussi à les mouvoir, et qu’il y a quelquefois des paralysies qui ôtent le mouvement sans ôter pour cela le sentiment, tantôt ils ont dit qu’il y avait deux sortes de nerfs, dont les uns ne servaient que pour les sens, et les autres que pour les mouvements ; et tantôt, que la faculté de sentir était dans les peaux ou membranes, et que celle de mouvoir était dans la substance intérieure des nerfs, qui sont choses fort répugnantes à l’expérience et à la raison : car qui a jamais pu remarquer aucun nerf qui servît au mouvement sans servir aussi à quelque sens ? Et comment, si c’était des peaux que le sentiment dépendît, les diverses impressions des objets pourraient-elles par le moyen de ces peaux parvenir jusqu’au cerveau ? Afin donc d’éviter ces difficultés, il faut penser que ce sont les esprits qui, coulant par les nerfs dans les muscles, et les enflant plus ou moins, tantôt les uns, tantôt les autres, selon les diverses façons que le cerveau les distribue, causent le mouvement de tous les membres, et que ce sont les petits filets dont la substance intérieure de ces nerfs est composée qui servent aux sens. Et d’autant que je n’ai point ici besoin de parler des mouvements, je désire seulement que vous conceviez que ces petits filets, étant enfermés, comme j’ai dit, en des tuyaux