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34 LA DIOPTRIQUE.

DISCOURS QUATRIÈME.

DES SENS EN GÉNÉRAL.

Mais il faut que je vous dise maintenant quelque chose de la nature des sens en général, afin de pouvoir d’autant plus aisément expliquer en particulier celui de la vue. On sait déjà assez que c’est l’âme qui sent et non le corps : car on voit que, lorsqu’elle est divertie par une extase ou forte contemplation, tout le corps demeure sans sentiment, encore qu’il y ait divers objets qui le touchent. Et on sait que ce n’est pas proprement en tant qu’elle est dans les membres qui servent d’organes aux sens extérieurs qu’elle sent, mais en tant qu’elle est dans le cerveau, où elle exerce cette faculté qu’on appelle le sens commun ; car on voit des blessures et maladies qui, n’offensant que le cerveau seul, empêchent généralement tous les sens, encore que le reste du corps ne laisse point pour cela d’être animé. Enfin, on sait que c’est par l’entremise des nerfs que les impressions que font les objets dans les membres extérieurs parviennent