Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome V.djvu/241

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qu’il est impossible aux hommes de rien faire de si exact. Je vis bien incontinent que ces lames avoient dû être premièrement de petits pelotons de glace arrangés comme j’ai tantôt dit, et pressés par un vent très fort accompagné d’assez de chaleur, en sorte que cette chaleur avoit fondu tous leurs poils, et avoit tellement rempli tous leurs pores de l’humidité qui en étoit sortie, que, de blancs qu’ils avoient été auparavant, ils étoient devenus transparents ; et que ce vent les avoit à même temps si fort pressés les uns contre les autres, qu’il n’étoit demeuré aucun espace entre deux, et qu’il avoit aussi aplani leurs superficies en passant par-dessus et par-dessous, et ainsi leur avoit justement donné la figure de ces lames. Seulement restoit-il un peu de difficulté en ce que ces pelotons de glace ayant été ainsi demi-fondus, et à même temps pressés l’un contre l’autre, ils ne s’étoient point collés ensemble pour cela, mais étoient demeurés tous séparés ; car, quoique j’y prisse garde expressément, je n’en pus jamais rencontrer deux qui tinssent l’un à l’autre. Mais je me satisfis bientôt, là-dessus en considérant de quelle façon le vent agite toujours et fait plier successivement toutes les parties de la superficie de l’eau, en coulant par-dessus sans la rendre pour cela rude ou inégale ; car je connus de là qu’infailliblement il fait plier et ondoyer en même sorte les superficies des