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celles du sel et celles de l’eau douce ; mais les unes et les autres doivent être rondes, à savoir celles de l’eau douce comme des cordes, et celles du sel comme des cylindres ou des bâtons, à cause que tous les corps qui se meuvent en diverses façons et long-temps ont coutume de s’arrondir. Et on peut ensuite connoître quelle est la nature de cette eau extrêmement aigre et forte, qui peut soudre l’or, et que les alchimistes nomment l’esprit ou l’huile de sel ; car d’autant qu’elle ne se tire que par la violence d’un fort grand feu, ou du sel pur, ou du sel mêlé avec quelque autre corps fort sec et fort fixe, comme de la brique qui ne sert qu’à l’empêcher de se fondre, il est évident que ses parties sont les mêmes qui ont auparavant composé le sel, mais qu’elles n’ont pu monter par l’alambic, et ainsi de fixes devenir volatiles, sinon après qu’en se choquant les unes contre les autres, à force d’être agitées par le feu, de roides et inflexibles comme elles étoient, elles sont devenues faciles à plier, et par même moyen de rondes en forme de cylindres, elles sont devenues plates et tranchantes, ainsi que des feuilles de flambe ou de glaïeul ; car sans cela elles n’auroient pu se plier. Et ensuite il est aisé à juger la cause du goût qu’elles ont fort différent de celui du sel ; car se couchant de long sur la langue, et leurs tranchants s’appuyant contre les extrémités de ses nerfs, et coulant dessus en les