Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome V.djvu/182

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que les parties avoient d’autres figures ; car on ne les peut quasi jamais entièrement faire sortir des corps où elles sont une fois entrées. Enfin, pourceque nous ne voyons point de corps en la nature qui soient si parfaitement semblables entre eux qu’il ne se trouve presque toujours quelque peu d’inégalité en leur grosseur, nous ne devons faire aucune difficulté de penser que les parties de l’eau ne sont point exactement toutes égales, et particulièrement que dans la mer, qui est le réceptacle de toutes les eaux, il s’en trouve de si grosses qu’elles ne peuvent être pliées comme les autres par la force qui a coutume de les mouvoir. Et je veux tâcher ici de vous montrer que cela seul est suffisant pour leur donner toutes les qualités qu’a le sel. Premièrement ce n’est pas merveille qu’elles aient un goût piquant et pénétrant, qui diffère beaucoup de celui de l’eau douce ; car, ne pouvant être pliées par la matière subtile qui les environne, elles doivent toujours entrer de pointe dans les pores de la langue, et par ce moyen y pénétrer assez avant pour la piquer ; au lieu que celles qui composent l’eau douce coulant seulement par-dessus toutes couchées, à cause de la facilité qu’elles ont à se plier, n’en peuvent quasi point du tout être goûtées ; et les parties du sel ayant pénétré de pointe en même façon dans les pores des chairs qu’on veut conserver, non seulement en ôtent