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terre, elle n’a point assez de force, pour les plier et agiter en cette façon, ce qui est cause qu’elles s’arrêtent confusément jointe et posées l’une sur l’autre, et ainsi qu’elles composent un corps dur, à savoir de la glace ; en sorte que vous pouvez imaginer même différence entre de l’eau et de la glace, que vous feriez entre un tas de petites anguilles, soit vives, soit mortes, flottantes dans un bateau de pêcheur tout plein de trous par lesquels passe l’eau d’une rivière qui les agite, et un tas des mêmes anguilles toutes sèches et roides de froid sur le rivage. Et pourceque l’eau ne se gèle jamais que la matière qui est entre ses parties ne soit plus subtile qu’à l’ordinaire, de là vient que les pores de la glace qui se forment pour lors, ne s’accommodant qu’à la grosseur des parties de cette matière plus subtile, se disposent, en telle sorte qu’ils ne peuvent recevoir celle qui l’est moins ; et ainsi que la glace est toujours grandement froide, nonobstant qu’on la garde jusques à l’été, et même qu’elle retient alors sa dureté sans s’amollir peu à peu comme la cire, à cause que la chaleur ne pénètre au dedans qu’à mesure que le dessus devient liquide.

Il y a ici de plus à remarquer qu’entre les parties longues et unies dont j’ai dit que l’eau étoit composée, il y en a véritablement la plupart qui se plient ou cessent de se plier selon que la matière subtile qui les environne a quelque peu plus