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mière toutes les fois que l’action qui la signifie touche notre œil ; mais, sans perdre de temps à disputer, j’aurai plus tôt fait d’apporter un autre exemple.

Pensez-vous, lors même que nous ne prenons pas garde à la signification des paroles, et que nous oyons seulement leur son, que l’idée de ce son qui se forme en notre pensée soit quelque chose de semblable à l’objet qui en est la cause ? Un homme ouvre la bouche, remue la langue, pousse son haleine ; je ne vois rien en toutes ces actions qui ne soit fort différent de l’idée du son qu’elles nous font imaginer. Et la plupart des philosophes assurent que le son n’est autre chose qu’un certain tremblement d’air qui vient frapper nos oreilles ; en sorte que si le sens de l’ouïe rapportoit à notre pensée la vraie image de son objet, il faudroit, au lieu de nous faire concevoir le son, qu’il nous fît concevoir le mouvement des parties de l’air qui tremble pour lors contre nos oreilles. Mais, parceque tout le monde ne voudra peut-être pas croire ce que disent les philosophes, j’apporterai encore un autre exemple.

L’attouchement est celui de tous nos sens que l’on estime le moins trompeur et le plus assuré ; de sorte que si je vous montre que l’attouchement même nous fait concevoir plusieurs idées qui ne ressemblent en aucune façon aux objets qui