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davantage le cœur et qui a des effets plus dangereux. Ceux qui ont beaucoup de bonté et beaucoup d’amour sont les plus sujets à la première. Car elle ne vient pas d’une profonde haine, mais d’une prompte aversion qui les surprend, à cause qu’étant portés à imaginer que toutes choses doivent aller en la façon qu’ils jugent être la meilleure, sitôt qu’il en arrive autrement ils l’admirent et s’en offensent, souvent même sans que la chose les touche en leur particulier, à cause qu’ayant beaucoup d’affection, ils (480) s’intéressent pour ceux qu’ils aiment en même façon que pour eux-mêmes. Ainsi ce qui ne serait qu’un sujet d’indignation pour un autre est pour eux un sujet de colère ; et parce que l’inclination qu’ils ont à aimer fait qu’ils ont beaucoup de chaleur et beaucoup de sang dans le cœur, l’aversion qui les surprend ne peut y pousser si peu de bile que cela ne cause d’abord une grande émotion dans ce sang. Mais cette émotion ne dure guère, à cause que la force de la surprise ne continue pas, et que sitôt qu’ils s’aperçoivent que le sujet qui les a fâchés ne les devait pas tant émouvoir, ils s’en repentent.

Art. 202. Que ce sont les âmes faibles et basses qui se laissent le plus emporter à l’autre.

L’autre espèce de colère, en laquelle prédomine