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la faveur, et cela de plus qu’elle est fondée sur une action qui nous touche et dont nous avons désir de nous revancher. C’est pourquoi elle a beaucoup plus de force, principalement dans les âmes tant soit peu nobles et généreuses.

Art. 194. De l’ingratitude.

Pour l’ingratitude, elle n’est pas une passion, car la nature n’a mis en nous aucun mouvement des esprits qui l’excite ; mais elle est seulement un vice directement opposé à la reconnaissance, en tant que celle-ci est toujours vertueuse et l’un des principaux liens de la société humaine. C’est pourquoi ce vice n’appartient qu’aux hommes brutaux et sottement arrogants qui pensent que toutes choses leur sont dues, ou aux stupides qui ne font aucune réflexion sur les bienfaits qu’ils reçoivent, ou aux faibles et abjects qui, sentant leur infirmité et leur besoin, recherchent bassement le secours des autres, et après qu’ils l’ont reçu, ils les haïssent, parce que, n’ayant pas la volonté de leur rendre la pareille, ou désespérant de le pouvoir, et s’imaginant que tout le monde est mercenaire comme eux et qu’on ne fait aucun bien qu’avec espérance d’en être récompensé, ils pensent les avoir trompés. (475)

Art. 195.