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serre de part et d’autre les orifices du cœur le puisse empêcher, excepté lorsqu’elle est fort (415) excessive. Mais, encore qu’elle ne soit que médiocre, elle empêche aisément que le sang ainsi venu dans les veines du visage ne descende vers le cœur pendant que l’amour, le désir ou la haine y en poussent d’autres des parties intérieures. C’est pourquoi ce sang étant arrêté autour de la face, il la rend rouge, et même plus rouge que pendant la joie, à cause que la couleur du sang paraît d’autant mieux qu’il coule moins vite, et aussi à cause qu’il s’en peut ainsi assembler davantage dans les veines de la face que lorsque les orifices du cœur sont plus ouverts. Ceci paraît principalement en la honte, laquelle est composée de l’amour de soi-même et d’un désir pressant d’éviter l’infamie présente, ce qui fait venir le sang des parties intérieures vers le cœur, puis de là par les artères vers la face, et avec cela d’une médiocre tristesse qui empêche ce sang de retourner vers le cœur. Le même paraît aussi ordinairement lorsqu’on pleure ; car, comme je dirai ci-après, c’est l’amour joint à la tristesse qui cause la plupart des larmes. Et le même paraît en la colère, où souvent un prompt désir de vengeance est mêlé avec l’amour, la haine et la tristesse.

Art. 118.