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stupides peuvent remarquer à l’œil de leur maître s’il est fâché contre eux ou s’il ne l’est pas. Mais encore qu’on aperçoive aisément ces actions des yeux et qu’on sache ce qu’elles signifient, il n’est pas aisé pour cela de les décrire, à cause que chacune est composée de plusieurs changements qui arrivent au mouvement et en la figure de l’œil, lesquels sont si particuliers et si petits, que chacun d’eux ne peut être aperçu séparément, bien que ce qui résulte de leur conjonction soit fort aisé à remarquer. On peut dire quasi le même des actions du visage qui accompagnent aussi les passions ; car, bien qu’elles soient plus grandes que celles des yeux, il est toutefois malaisé de les distinguer, et elles sont si peu différentes qu’il y a des hommes qui font presque la même mine lorsqu’ils pleurent que les autres lorsqu’ils rient. Il est vrai qu’il y en a quelques-unes qui sont assez remarquables, comme sont les rides du front, en la colère, et certains mouvements du nez et des lèvres en l’indignation et en la moquerie ; mais elles ne semblent pas tant être naturelles que volontaires. Et généralement toutes les actions, tant du visage que des yeux, peuvent être changées par l’âme lorsque, voulant (413) cacher sa passion, elle en imagine fortement une contraire, en sorte qu’on s’en peut aussi bien servir à dissimuler ses passions qu’a les déclarer.

Art. 114.