Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome IV.djvu/125

Cette page n’a pas encore été corrigée

ter sur cette pensée ; et c’est en cela que consiste la passion d’amour.

Art. 103. En la haine.

Au contraire, en la haine, la première pensée de l’objet qui donne de l’aversion conduit tellement les esprits qui sont dans le cerveau vers les muscles de l’estomac et des intestins, qu’ils empêchent que le suc des viandes ne se mêle avec le sang en resserrant toutes les ouvertures par où il a coutume d’y couler ; et elle les conduit aussi (405) tellement vers les petits nerfs de la rate et de la partie inférieure du foie, où est le réceptacle de la bile, que les parties du sang qui ont coutume d’être rejetées vers ces endroits-là en sortent et coulent avec celui qui est dans les rameaux de la veine cave vers le cœur ; ce qui cause beaucoup d’inégalités en sa chaleur, d’autant que le sang qui vient de la rate ne s’échauffe et se raréfie qu’à peine, et qu’au contraire, celui qui vient de la partie inférieure du foie, où est toujours le fiel, s’embrase et se dilate fort promptement. En suite de quoi les esprits qui vont au cerveau ont aussi des parties fort inégales et des mouvements fort extraordinaires ; d’où vient qu’ils y fortifient les idées de haine qui s’y trouvent déjà imprimées, et disposent l’âme à