Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome II.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
OBJECTIONS ET RÉPONSES.

privation ; savoir est, un certain sentiment qui n’a aucun être hors de l’entendement.

Il n’en est pas de même de l’idée de Dieu, au moins de celle qui est claire et distincte, parcequ’on ne peut pas dire qu’elle se rapporte à quelque chose à quoi elle ne soit pas conforme.

Quant aux idées confuses des dieux qui sont forgées par les idolâtres, je ne vois pas pourquoi elles ne pourroient point aussi être dites matériellement fausses, en tant qu’elles servent de matière à leurs faux jugements. Combien qu’à dire vrai celles qui ne donnent pour ainsi dire au jugement aucune occasion d’erreur, ou qui la donnent fort légère, ne doivent pas avec tant de raison être dites matériellement fausses que celles qui la donnent fort grande : or il est aisé de faire voir, par plusieurs exemples, qu’il y en a qui donnent une bien plus grande occasion d’erreur les unes que les autres. Car elle n’est pas si grande en ces idées confuses que notre esprit invente lui-même, telles que sont celles des faux dieux, qu’en celles qui nous sont offertes confusément par les sens, comme sont les idées du froid et de la chaleur, s’il est vrai, comme j’ai dit, qu’elles ne représentent rien de réel. Mais la plus grande de toutes est dans ces idées qui naissent de l’appétit sensitif. Par exemple, l’idée de la soif dans un hydropique ne lui est-elle pas en effet occasion d’erreur,