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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

recevoir ; mais l’Être infini est un acte très pur, incapable de telles dispositions.

Concluons donc que nous ne pouvons concevoir que Dieu soit par soi positivement, sinon à cause de l’imperfection de notre esprit qui conçoit Dieu à la façon des choses créées ; ce qui sera encore plus évident par cette autre raison.

On ne demande point la cause efficiente d’une chose, sinon à raison de son existence et non à raison de son essence ; par exemple, quand on demande la cause efficiente d’un triangle, on demande qui a fait que ce triangle soit au monde : mais ce ne seroit pas sans absurdité que je demanderois la cause efficiente pourquoi un triangle a ses trois angles égaux à deux droits ; et à celui qui feroit cette demande, on ne répondroit pas bien par la cause efficiente, mais on doit seulement répondre, parceque telle est la nature du triangle ; d’où vient que les mathématiciens, qui ne se mettent pas beaucoup en peine de l’existence de leur objet, ne font aucune démonstration par la cause efficiente et finale. Or il n’est pas moins de l’essence d’un Être infini d’exister, voire même, si vous le voulez, de persévérer dans l’être, qu’il est de l’essence d’un triangle d’avoir ses trois angles égaux à deux droits : donc, tout ainsi qu’à celui qui demanderoit pourquoi un triangle a ses trois angles égaux à deux droits, on ne doit pas répondre par la cause effi-