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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

ses que je conçois clairement et distinctement peuvent être produites par Dieu telles que je les conçois, il suffit que je puisse concevoir clairement et distinctement une chose sans une autre, pour être certain que l’une est distincte ou différente de l’autre, parcequ’elles peuvent être séparées, au moins par la toute-puissance de Dieu ; et il n’importe pas par quelle puissance cette séparation se fasse pour être obligé à les juger différentes. Donc pourceque d’un côté j’ai une claire et distincte idée de moi-même, en tant que je suis seulement une chose qui pense et non étendue ; et que d’un autre j’ai une idée distincte du corps en tant qu’il est seulement une chose étendue et qui ne pense point, il est certain que ce moi, c’est-à-dire mon âme, par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement et véritablement distincte de mon corps, et qu’elle peut être ou exister sans lui, en sorte qu’encore qu’il ne fût point, elle ne lairroit pas d’être tout ce qu’elle est. »

Il faut ici s’arrêter un peu, car il me semble que dans ce peu de paroles consiste tout le nœud de la difficulté.

Et premièrement, afin que la majeure de cet argument soit vraie, cela ne se doit pas entendre de toute sorte de connoissance ni même de toute celle qui est claire et distincte, mais seulement de celle qui est pleine et entière, c’est-à-dire qui com-