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qu’avec respect celui qu’il croyoit honorer en le recevant chez lui. Descartes fut lié ou du moins fut en commerce avec tous les plus savants géomètres de son siècle. Il ne se passoit pas d’année qu’il ne donnât la solution d’un très grand nombre de problèmes qu’on lui adressoit dans sa retraite : car c’étoit alors la méthode entre les géomètres, à peu près comme les anciens sages et même les rois dans l’Orient s’envoyoient des énigmes à deviner. Descartes eut beaucoup de part à la fameuse question de la roulette ou de la cycloïde. La cycloïde est une ligne décrite par le mouvement d’un point de la circonférence d’un cercle, tandis que le cercle fait une révolution sur une ligne droite. Ainsi, quand une roue de carrosse tourne, un des clous de la circonférence décrit dans l’air une cycloïde. Cette ligne fut découverte par le P. Mersenne, expliquée par Roberval, examinée par Descartes, qui en découvrit la tangente ; usurpée par Toricelli, qui s’en donna pour l’inventeur ; approfondie par Pascal, qui contribua beaucoup à en démontrer la nature et les rapports. Depuis, les géomètres les plus célèbres, tels que Huygens, Wallis, Wren, Leibnitz, et les Bernoulli, y travaillèrent encore. Avant de finir cet article, il ne sera peut-être pas inutile de remarquer que Descartes, qui fut le plus grand géomètre de son siècle, parut toujours faire assez peu de cas de la géométrie. Il tenta au moins cinq ou six fois d’y renoncer, et il y revenoit sans cesse…

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C’est un spectacle aussi curieux que philosophique de suivre toute la marche de l’esprit de Descartes, et de voir tous les degrés par où il passa pour parvenir à changer la face des sciences. Heureusement, en nous donnant ses découvertes, il nous a indiqué la route qui l’y avoit mené. Il seroit à souhaiter que tous les inventeurs eussent fait de même ; mais la plupart nous ont caché leur marche, et nous n’avons que le résultat de leurs travaux. Il semble qu’ils aient craint, ou de trop instruire les hommes, ou de s’humilier à leurs yeux