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toute son attention. Il comparoit les caractères de tous ces peuples réunis, comme un amateur habile compare, dans une belle galerie de tableaux, les manières des différentes écoles de peinture. En 1625 il passa par la Toscane : Galilée étoit alors âgé de soixante ans, et l’inquisition ne s’étoit pas encore flétrie par la condamnation de ce grand homme. En 1631 il fit le voyage d’Angleterre, et en 1634 celui de Danemarck. L’Espagne et le Portugal sont les seuls pays de l’Europe où Descartes n’ait pas voyagé.

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Descartes porta les armes dans sa jeunesse : d’abord en Hollande, sous le célèbre Maurice de Nassau, qui affermit la liberté fondée par son père, et mérita de balancer la réputation de Farnèse ; de là en Allemagne, sous Maximilien de Bavière, au commencement de la guerre de trente ans. Il vit dans cette guerre le choc de deux religions opposées, l’ambition des chefs, le fanatisme des peuples, la fureur des partis, l’abus des succès, l’orgueil du pouvoir, et trente provinces dévastées, parcequ’on se disputoit à qui gouverneroit la Bohême. Il passa ensuite au service de l’empereur Ferdinand II, pour voir de plus près les troubles de la Hongrie. La mort du comte de Bucquoy, général de l’armée impériale, qui fut tué, dans une déroute, de trois coups de lance et de plus de trente coups de pistolet, le dégoûta du métier des armes. Il avoit servi environ quatre ans, et en avoit alors vingt-cinq. On croit pourtant qu’au siége de La Rochelle il combattit, comme volontaire, dans une bataille contre la flotte anglaise. On se doute bien que l’ambition de Descartes n’étoit point de devenir un grand capitaine. Avide de connoître, il vouloit étudier les hommes dans tous les états ; et malheureusement la guerre est devenue un des grands spectacles de l’humanité. Il avoit d’abord aimé cette profession, comme il l’avouoit lui-même, sans doute parcequ’elle convenoit à l’activité inquiète de son âme ; mais, dans la suite, un coup