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enfin dans le monde. On peut juger par ce seul trait du caractère de Descartes, et de la passion que lui inspiroit l’étude…

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Descartes avoit vingt-un ans lorsqu’il sortit de France pour la première fois : c’étoit en 1617. Il alla d’abord en Hollande, où il demeura deux ans ; ce dut être pour lui un spectacle curieux, qu’un pays où tout commençoit à naître, et où tout étoit l’ouvrage de la liberté. Mais s’il y vit un terrain nouveau-créé pour ainsi dire, et arraché à la mer, s’il vit le spectacle magnifique des canaux, des digues, du commerce et des villes de la Hollande, il fut aussi témoin des querelles sanglantes des gomaristes et des arminiens. On sait comment l’ambition du prince d’Orange voulut faire servir ces guerres de religion à sa grandeur. Barnevelt, âgé de soixante-seize ans, fut condamné, et mourut sur l’échafaud, pour avoir voulu garantir son pays du despotisme. Ce furent là les premiers mémoires que l’Europe fournit à Descartes pour la connoissance de l’esprit humain. En 1619 il passa en Allemagne. Quelques années plus tôt, il y auroit vu ce Rodolphe qui conversoit avec Tycho-Brahé au lieu de travailler avec ses ministres, et faisoit avec Kepler des tables astronomiques tandis que les Turcs ravageoient ses états. Il vit couronner à Francfort Ferdinand II ; et il paroît qu’il observa avec curiosité toutes ces cérémonies, ou politiques, ou sacrées, qui rendent plus imposant aux yeux des peuples le maître qui doit les gouverner. Ce couronnement fut le signal de la fameuse guerre de trente ans. Descartes passa les années 1619 et 1620 en Bavière, dans la Souabe, dans l’Autriche et dans la Bohême. En 1621 il fut en Hongrie ; il parcourut la Moravie, la Silésie, pénétra dans le nord de l’Allemagne, alla en Poméranie par les extrémités de la Pologne, visita toutes les côtes de la mer Baltique, remonta de Stettin dans la Marche de Brandebourg, passa au duché de Meckelbourg, et de là dans le Holstein, et enfin s’embarqua sur l’Elbe, d’où il retourna