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hommes célèbres, j’oserai dire qu’il avoit des vues aussi nouvelles et bien plus étendues que Bacon ; qu’il a eu l’éclat et l’immensité du génie de Leibnitz, mais bien plus de consistance et de réalité dans sa grandeur ; qu’enfin il a mérité d’être mis à côté de Newton, parcequ’il a créé une partie de Newton, et qu’il n’a été créé que par lui-même ; parceque, si l’un a découvert plus de vérités, l’autre a ouvert la route de toutes les vérités ; géomètre aussi sublime, quoiqu’il n’ait point fait un aussi grand usage de la géométrie ; plus original par son génie, quoique ce génie l’ait souvent trompé ; plus universel dans ses connoissances, comme dans ses talents, quoique moins sage et moins assuré dans sa marche ; ayant peut-être en étendue ce que Newton avoit en profondeur ; fait pour concevoir en grand, mais peu fait pour suivre les détails, tandis que Newton donnoit aux plus petits détails l’empreinte du génie ; moins admirable sans doute pour la connoissance des cieux, mais bien plus utile pour le genre humain, par sa grande influence sur les esprits et sur les siècles.

C’est ici le vrai triomphe de Descartes ; c’est là sa grandeur. Il n’est plus, mais son esprit vit encore : cet esprit est immortel ; il se répand de nation en nation, et de siècle en siècle ; il respire à Paris, à Londres, à Berlin, à Leipsick, à Florence ; il pénètre à Pétersbourg ; il pénétrera un jour jusque