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ou sur les sommets sauvages des Cordilières, entraîné par le désir de connoître, approche de la bouche des volcans ; il en mesure de l’œil la profondeur ; il en observe les effets ; assis sur un rocher, il calcule à loisir et médite profondément sur ce qui fait le ravage du monde. Ainsi Descartes observe et analyse les passions (23). Avant lui on en avoit développé le moral ; lui seul a tenté d’en expliquer le physique ; lui seul a fait voir jusqu’où les lois du mécanisme influent sur elles, et où ce mécanisme s’arrête. Il a marqué dans chaque passion primitive le degré de mouvement et d’impétuosité du sang, le cours des esprits, leur agitation, leur activité ou plus ou moins rapide, les altérations qu’elles produisent dans les organes intérieurs. Il les suit au dehors : il rend compte de leurs effets sur la surface de la machine quand l’œil devient un tableau rapide, tantôt doux et tantôt terrible ; quand l’harmonie des traits se dérange ; quand les couleurs ou s’embellissent ou s’effacent ; quand les muscles se tendent ou se relâchent ; quand le mouvement se ralentit ou se précipite ; quand le son inarticulé de la douleur ou de la joie se fait entendre, et sort par secousses du sein agité ; quand les larmes coulent, les larmes, ces marques touchantes de la sensibilité, ou ces marques terribles du désespoir impuissant ; quand l’excès du sentiment affoiblit par degrés ou con-