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filles du temps. Descartes eut aussi la gloire d’être un des premiers anatomistes de son siècle ; mais, comme il étoit né encore plus pour lier des connoissances et les ordonner entre elles que pour faire des observations, il porta dans l’anatomie ce caractère qui le suivoit partout. En découvrant l’effet, il remontoit à la cause ; en analysant les parties, il examinoit leurs rapports entre elles, et leurs rapports avec le tout. Ne cherchez point à le fixer long-temps sur un petit objet ; il veut voir l’ensemble de tout ce qu’il embrasse. Son esprit impatient et rapide court au-devant de l’observation ; il la précède plus qu’il ne la suit ; il lui indique sa route ; elle marche ; il revient ensuite sur elle ; il généralise d’un coup d’œil et en un instant tout ce qu’elle lui rapporte ; souvent il a vu avant qu’elle ait parlé. Que doit-il résulter d’une pareille marche dans un homme de génie ? quelques erreurs et de grandes idées, des masses de lumière à travers des nuages. C’est aussi ce que l’on trouve dans le Traité de Descartes sur l’homme (22). Il le composa après quinze ans d’observations anatomiques. Il suppose d’abord une machine entièrement semblable à la nôtre : quand il en sera temps, il lui donnera une âme ; mais d’abord il veut voir ce que le mécanisme seul peut produire dans un pareil ouvrage. Il lui met seulement dans le cœur un feu secret et actif, semblable à celui qui fait bouillon-