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de rayons qu’il faut recevoir ; et ces humeurs, d’une nature comme d’une densité différente, où la lumière souffre trois réfractions successives ; et cette membrane si déliée, composée des filets du nerf optique, où l’objet vient se peindre ; et ces muscles si agiles qui impriment à l’œil tous les mouvements dont il a besoin. Par le jeu rapide et simultané de tous ces ressorts, les rayons rassemblés viennent peindre sur la rétine l’image des objets ; et les houppes nerveuses transmettent par leur ébranlement leur impression jusqu’au cerveau. Là finissent les opérations mécaniques, et commencent celles de l’âme. Cette peinture si admirable est encore imparfaite, et il faut en corriger les défauts ; il faut apprendre à voir. L’image peinte dans l’œil est renversée ; il faut remettre les objets dans leur situation : l’image est double ; il faut la simplifier. Mais vous n’aurez point encore les idées de distance, de figure et de grandeur ; vous n’avez que des lignes et des angles mathématiques. L’âme s’assure d’abord de la distance par le sens du toucher et le mouvement progressif ; elle juge ensuite les grandeurs relatives par les distances, en comparant l’ouverture des angles formés au fond de l’œil. Des distances et des grandeurs combinées résulte la connoissance des figures. Ainsi le sens de la vue se perfectionne et se forme par degrés ; ainsi l’organe qui touche prête ses secours à l’organe qui voit ; et la vision