Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/419

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quelque dégoût que je remâchois une viande si commune, je n’ai pu toutefois me dispenser de lui donner une méditation tout entière ; et je voudrois que les lecteurs n’employassent pas seulement le peu de temps qu’il faut pour la lire, mais quelques mois, ou du moins quelques semaines, à considérer les choses dont elle traite auparavant que de passer outre : car ainsi je ne doute point qu’ils ne fissent bien mieux leur profit de la lecture du reste.

De plus, à cause que nous n’avons eu jusques ici aucunes idées des choses qui appartiennent à l’esprit qui n’aient été très confuses et mêlées avec les idées des choses sensibles, et que ç’a été la première et principale cause pourquoi on n’a pu entendre assez clairement aucune des choses qui se sont dites de Dieu et de l’âme, j’ai pensé que je ne ferois pas peu, si je montrois comment il faut distinguer les propriétés ou qualités de l’esprit des propriétés ou qualités du corps, et comment il les faut reconnoître ; car, encore qu’il ait déjà été dit par plusieurs que, pour bien concevoir les choses immatérielles ou métaphysiques, il faut éloigner son esprit des sens, néanmoins personne, que je sache, n’avoit encore montré par quel moyen cela se peut faire. Or le vrai et à mon jugement l’unique moyen pour cela est contenu dans ma seconde Méditation ; mais il est tel que ce n’est pas assez de l’avoir