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prit raisonnable, ne puisse être déçu dans les choses qu’il croira savoir clairement et distinctement ; autrement nous ne voyons point encore que nous puissions répondre avec certitude de la vérité d’aucune chose.

En cinquième lieu, si la volonté ne peut jamais faillir, ou ne pèche point lorsqu’elle suit et se laisse conduire par les lumières claires et distinctes de l’esprit qui la gouverne, et si, au contraire, elle se met en danger de faillir lorsqu’elle poursuit et embrasse les connoissances obscures et confuses de l’entendement, prenez garde que de là il semble que l’on puisse inférer que les Turcs et les autres infidèles non seulement ne pèchent point lorsqu’ils n’embrassent pas la religion chrétienne et catholique, mais même qu’ils pèchent lorsqu’ils l’embrassent, puisqu’ils n’en connoissent point la vérité ni clairement ni distinctement. Bien plus, si cette règle que vous établissez[1] est vraie, il ne sera permis à la volonté d’embrasser que fort peu de choses, vu que nous ne connoissons quasi rien avec cette clarté et distinction que vous requérez pour former une certitude qui ne puisse être sujette à aucun doute. Prenez donc garde, s’il vous plaît, que, voulant affermir le parti de la vérité, vous ne prouviez plus qu’il ne faut, et qu’au lieu de l’appuyer vous ne la renversiez.

  1. Voyez Méditation IV, pages 294 et 303 .