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quelque chose est par soi, sinon qu’elle n’a point de cause, si toutefois ils veulent plutôt s’arrêter à la chose qu’aux paroles, ils reconnoîtront facilement que la signification négative du mot par soi ne procède que de la seule imperfection de l’esprit humain, et qu’elle n’a aucun fondement dans les choses, mais qu’il y en a une autre positive, tirée de la vérité des choses, et sur laquelle seule mon argument est appuyé. Car si, par exemple, quelqu’un pense qu’un corps soit par soi, il peut n’entendre par là autre chose, sinon que ce corps n’a point de cause ; et ainsi il n’assure point ce qu’il pense par aucune raison positive, mais seulement d’une façon négative, parcequ’il ne connoît aucune cause de ce corps : mais cela témoigne quelque imperfection en son jugement, comme il reconnoîtra facilement après, s’il considère que les parties du temps ne dépendent point les unes des autres, et que, partant de ce qu’il a supposé que ce corps jusqu’à cette heure a été par soi, c’est-à-dire sans cause, il ne s’ensuit pas pour cela qu’il doive être encore à l’avenir, si ce n’est qu’il y ait en lui quelque puissance réelle et positive laquelle, pour ainsi dire, le produise continuellement ; car alors, voyant que dans l’idée du corps il ne se rencontre point une telle puissance, il lui sera aisé d’inférer de là que ce corps n’est pas par soi ; et ainsi il prendra ce mot, par soi, positivement. De même, lorsque nous disons que Dieu