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l’oreille entend ce qu’elle entend ; et si on voit de l’oripeau, on voit bien ; mais on se trompe lorsqu’on détermine par son jugement que ce que l’on voit est de l’or. Et alors c’est qu’on ne conçoit pas bien, ou plutôt qu’on ne conçoit point ; car, comme chaque faculté ne se trompe point vers son propre objet, si une fois l’entendement conçoit clairement et distinctement une chose, elle est vraie ; de sorte que M. Descartes attribue avec beaucoup de raison toutes les erreurs au jugement et à la volonté.

Mais maintenant voyons si ce qu’il veut inférer de cette règle est véritable. « Je connois, dit-il, clairement et distinctement l’Être infini ; donc c’est un être vrai et qui est quelque chose.[1] » Quelqu’un lui demandera : Connoissez-vous clairement et distinctement l’Être infini ? Que veut donc dire cette commune maxime, laquelle est reçue d’un chacun : L’infini, en tant qu’infini, est inconnu. Car si, lorsque je pense à un chiliogone, me représentant confusément quelque figure, je n’imagine ou ne connois pas distinctement ce chiliogone, parceque je ne me représente pas distinctement ses mille côtés, comment est-ce que je concevrai distinctement et non pas confusément l’Être infini, en tant qu’infini, vu que je ne puis voir clairement, et comme au doigt et à l’œil, les infinies perfections dont il est composé ?

  1. Voyez Méditation V, page 312 .