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pas infini : car, ne pouvant par une seule appréhension embrasser l’univers, c’est-à-dire tout l’être et tout le bien en général, qui est tout ensemble et tout à la fois, il le divise et le partage ; et ainsi ce qu’il ne saurait enfanter ou produire tout entier, il le conçoit petit à petit, ou bien, comme on dit en l’école (inadœquatè), imparfaitement et par partie.

Mais ce grand homme poursuit : « Or, pour imparfaite que soit cette façon d’être, par laquelle une chose est objectivement dans l’entendement par son idée, certes on ne peut pas néanmoins dire que cette façon et manière-là ne soit rien, ni par conséquent que cette idée vient du néant.[1] »

Il y a ici de l’équivoque ; car si ce mot rien est la même chose que n’être pas actuellement, en effet ce n’est rien, parcequ’elle n’est pas actuellement, et ainsi elle vient du néant, c’est-à-dire qu’elle n’a point de cause. Mais si ce mot rien dit quelque chose de feint par l’esprit, qu’ils appellent vulgairement être de raison, ce n’est pas un rien, mais une chose réelle, qui est conçue distinctement. Et néanmoins, parcequ’elle est seulement conçue, et qu’actuellement elle n’est pas, elle peut à la vérité être conçue, mais elle ne peut aucunement être causée ou mise hors de l’entendement.

« Mais je veux, dit-il, outre cela examiner si moi, qui ai cette idée de Dieu, je pourrois être,

  1. Voyez Méditation III, page 274 .