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ce système donne la plus grande idée de l’art de l’éternel géomètre, comme l’appeloit Platon. C’est ce même caractère de grandeur que l’on a retrouvé depuis dans l’harmonie préétablie de Leibnitz, caractère plus propre que tout autre à séduire les hommes de génie, qui aiment mieux voir tout en un instant dans une grande idée, que de se traîner sur des détails d’observations et sur quelques vérités éparses et isolées.

Descartes s’est élevé à Dieu, est descendu dans son âme, a saisi sa pensée, l’a séparée de la matière, s’est assuré qu’il existoit des corps hors de lui. Sûr de tous les principes de ses connoissances, il va maintenant s’élancer dans l’univers physique ; il va le parcourir, l’embrasser, le connoître : mais auparavant il perfectionne l’instrument de la géométrie, dont il a besoin. C’est ici une des parties les plus solides de la gloire de Descartes ; c’est ici qu’il a tracé une route qui sera éternellement marquée dans l’histoire de l’esprit humain. L’algèbre étoit créée depuis long-temps. Cette géométrie métaphysique, qui exprime tous les rapports par des signes universels, qui facilite le calcul en le généralisant, opère sur les quantités inconnues comme si elles étoient connues, accélère la marche et augmente l’étendue de l’esprit en substituant un signe abrégé à des combinaisons nombreuses ; cette science, inventée par les Arabes, ou du moins