Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Locke n’est pas moins le créateur, car un principe n’est créé que lorsqu’il est démontré aux hommes. Qui nous démontrera de même ce que c’est que l’âme des bêtes ? quels sont ces êtres singuliers, si supérieurs aux végétaux par leurs organes, si inférieurs à l’homme par leurs facultés ? quel est ce principe qui, sans leur donner la raison, produit en eux des sensations, du mouvement et de la vie ? Quelque parti que l’on embrasse, la raison se trouble, la dignité de l’homme s’offense, ou la religion s’épouvante. Chaque système est voisin d’une erreur ; chaque route est sur le bord d’un précipice. Ici Descartes est entraîné, par la force des conséquences et l’enchaînement de ses idées, vers un système aussi singulier que hardi, et qui est digne au moins de la grandeur de Dieu. En effet, quelle idée plus sublime que de concevoir une multitude innombrable de machines à qui l’organisation tient lieu de principe intelligent ; dont tous les ressorts sont différents, selon les différentes espèces et les différents buts de la création ; où tout est prévu, tout combiné pour la conservation et la reproduction des êtres ; où toutes les opérations sont le résultat toujours sûr des lois du mouvement ; où toutes les causes qui doivent produire des millions d’effets sont arrangées jusqu’à la fin des siècles, et ne dépendent que de la correspondance et de l’harmonie de quelque partie de matière ? Avouons-le,