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confier beaucoup aux enseignements de cette nature. Et quoique les idées que je reçois par les sens ne dépendent point de ma volonté, je ne pensois pas devoir pour cela conclure qu’elles procédoient de choses différentes de moi, puisque peut-être il se peut rencontrer en moi quelque faculté, bien qu’elle m’ait été jusques ici inconnue, qui en soit la cause et qui les produise.

Mais maintenant que je commence à me mieux connoître moi-même et à découvrir plus clairement l’auteur de mon origine, je ne pense pas à la vérité que je doive témérairement admettre toutes les choses que les sens semblent nous enseigner, mais je ne pense pas aussi que je les doive toutes généralement révoquer en doute.

Et premièrement, pourceque je sais que toutes les choses que je conçois clairement et distinctement peuvent être produites par Dieu telles que je les conçois, il suffit que je puisse concevoir clairement et distinctement une chose sans une autre, pour être certain que l’une est distincte ou différente de l’autre, parcequ’elles peuvent être mises séparément, au moins par la toute-puissance de Dieu ; et il n’importe par quelle puissance cette séparation se fasse pour être obligé à les juger différentes : et partant, de cela même que je connois avec certitude que j’existe, et que cependant je ne remarque point qu’il appartienne