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prit de raison plutôt que de raisonnement, et qui s’applique à tous les arts comme à toutes les sciences.

Sa méthode est créée : il a fait comme ces grands architectes qui, concevant des ouvrages nouveaux, commencent par se faire de nouveaux instruments et des machines nouvelles, Aidé de ce secours, il entre dans la métaphysique. Il y jette d’abord un regard. Qu’aperçoit-il ? une audace puérile de l’esprit humain, des êtres imaginaires, des rêveries profondes, des mots barbares ; car, dans tous les temps, l’homme, quand il n’a pu connoître, a créé des signes pour représenter des idées qu’il n’avoit pas, et il a pris ces signes pour des connoissances. Descartes vit d’un coup d’œil ce que devoit être la métaphysique. Dieu, l’âme, et les principes généraux des sciences, voilà ses objets (14). Je m’élève avec lui jusqu’à la première cause. Newton la chercha dans les mondes ; Descartes la cherche dans lui-même. Il s’étoit convaincu de l’existence de son âme ; il avoit senti en lui l’être qui pense, c’est-à-dire l’être qui doute, qui nie, qui affirme, qui conçoit, qui veut, qui a des erreurs, qui les combat. Cet être intelligent est donc sujet à des imperfections. Mais toute idée d’imperfection suppose l’idée d’un être plus parfait. De l’idée du parfait naît l’idée de l’infini. D’où lui naît cette idée ? Comment l’homme, dont les facultés sont si bornées, l’homme qui passe sa vie à tourner dans l’intérieur d’un cercle étroit,