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son âme ; il fait plus, il s’élève à un doute universel (12). Celui qui s’est trompé une fois peut se tromper toujours. Aussitôt les cieux, la terre, les figures, les sons, les couleurs, son corps même, et les sens avec lesquels il voyage dans l’univers, tout s’anéantit à ses yeux. Rien n’est assuré, rien n’existe. Dans ce doute général, où trouver un point d’appui ? Quelle première vérité servira de base à toutes les vérités ? Pour Dieu, cette première vérité est partout. Descartes la trouve dans son doute même. Puisque je doute, je pense ; puisque je pense, j’existe. Mais à quelle marque la reconnoît-il ? À l’empreinte de l’évidence. Il établit donc pour principe de ne regarder comme vrai que ce qui est évident, c’est-à-dire ce qui est clairement contenu dans l’idée de l’objet qu’il contemple. Tel est ce fameux doute philosophique de Descartes. Tel est le premier pas qu’il fait pour en sortir, et la première règle qu’il établit. C’est cette règle qui a fait la révolution de l’esprit humain. Pour diriger l’entendement, il joint l’analyse au doute. Décomposer les questions et les diviser en plusieurs branches ; avancer par degrés des objets les plus simples aux plus composés, et des plus connus aux plus cachés ; combler l’intervalle qui est entre les idées éloignées et le remplir par toutes les idées intermédiaires ; mettre dans ces idées un tel enchaînement que