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âme et la refaire. Tant de difficultés n’effrayèrent point Descartes. Je le vois, pendant près de dix ans, luttant contre lui-même pour secouer toutes ses opinions. Il demande compte à ses sens de toutes les idées qu’ils ont portées dans son âme ; il examine tous les tableaux de son imagination, et les compare avec les objets réels ; il descend dans l’intérieur de ses perceptions, qu’il analyse ; il parcourt le dépôt de sa mémoire, et juge tout ce qui y est rassemblé. Partout il poursuit le préjugé, il le chasse de retraite en retraite ; son entendement, peuplé auparavant d’opinions et d’idées, devient un désert immense, mais où désormais la vérité peut entrer (9).

Voilà donc la révolution faite dans l’âme de Descartes : voilà ses idées anciennes détruites. Il ne s’agit plus que d’en créer d’autres. Car, pour changer les nations, il ne suffit point d’abattre ; il faut reconstruire. Dès ce moment, Descartes ne pense plus qu’à élever une philosophie nouvelle. Tout l’y invite ; les exhortations de ses amis, le désir de combler le vide qu’il avoit fait dans ses idées, je ne sais quel instinct qui domine le grand homme, et, plus que tout cela, l’ambition de faire des découvertes dans la nature, pour rendre les hommes moins misérables ou plus heureux. Mais, pour exécuter un pareil dessein, il sentit qu’il falloit se cacher. Hommes du monde, si fiers de