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de même, encore que j’estime que celles dont je me sers ici égalent ou même surpassent en certitude et évidence les démonstrations de géométrie, j’appréhende néanmoins qu’elles ne puissent pas être assez suffisamment entendues de plusieurs, tant parcequ’elles sont aussi un peu longues et dépendantes les unes des autres, que principalement parcequ’elles demandent un esprit entièrement libre de tous préjugés, et qui se puisse aisément détacher du commerce des sens. Et, à dire le vrai, il ne s’en trouve pas tant dans le monde qui soient propres pour les spéculations de la métaphysique que pour celles de la géométrie. Et de plus il y a encore cette différence, que dans la géométrie, chacun étant prévenu de cette opinion qu’il ne s’y avance rien dont on n’ait une démonstration certaine, ceux qui n’y sont pas entièrement versés pèchent bien plus souvent en approuvant de fausses démonstrations, pour faire croire qu’ils les entendent, qu’en réfutant les véritables. Il n’en est pas de même dans la philosophie, où chacun croyant que tout y est problématique, peu de personnes s’adonnent à la recherche de la vérité, et même beaucoup, se voulant acquérir la réputation d’esprits forts, ne s’étudient à autre chose qu’à combattre avec arrogance les vérités les plus apparentes.

C’est pourquoi, Messieurs, quelque force que puissent avoir mes raisons, parcequ’elles appar-