Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/222

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et d’autant qu’on propose souvent en cette vie de plus grandes récompenses pour les vices que pour les vertus, peu de personnes préféreroient le juste à l’utile, si elles n’étoient retenues ni par la crainte de Dieu ni par l’attente d’une autre vie ; et quoiqu’il soit absolument vrai qu’il faut croire qu’il y a un Dieu, parce qu’il est ainsi enseigné dans les saintes Écritures, et d’autre part qu’il faut croire les saintes Écritures parce qu’elles viennent de Dieu (la raison de cela est que la foi étant un don de Dieu, celui-là même qui donne la grâce pour faire croire les autres choses la peut aussi donner pour nous faire croire qu’il existe), on ne sauroit néanmoins proposer cela aux infidèles, qui pourroient s’imaginer que l’on commettroit en ceci la faute que les logiciens nomment un cercle.

Et de vrai j’ai pris garde que vous autres, Messieurs, avec tous les théologiens, n’assuriez pas seulement que l’existence de Dieu se peut prouver par raison naturelle, mais aussi que l’on infère de la sainte Écriture que sa connoissance est beaucoup plus claire que celle que l’on a de plusieurs choses créées, et qu’en effet elle est si facile que ceux qui ne l’ont point sont coupables ; comme il paroît par ces paroles de la Sagesse, chap. XIII, où il est dit que leur ignorance n’est point pardonnable ; car si leur esprit a pénétré si avant dans la connoissance des choses du monde, comment est-il pos-