Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/20

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naissent du gouvernement, d’autres du climat, d’autres de la religion, d’autres de la forme des langues, quelques unes des mœurs, d’autres des lois, plusieurs de toutes ces causes réunies : il y en a qui sortent du fond même de l’esprit humain et de la constitution de l’homme, et celles-là sont à peu près les mêmes chez tous les peuples ; il y en a d’autres qui sont bornées par les montagnes et par les fleuves, car chaque pays a ses opinions comme ses plantes : toutes ensemble forment la raison du peuple. Quel spectacle pour un philosophe ! Descartes en fut épouvanté. Voilà donc, dit-il, la raison humaine ! Dès ce moment il sentit s’ébranler tout l’édifice de ses connoissances : il voulut y porter la main pour achever de le renverser ; mais il n’avoit point encore assez de force, et il s’arrêta. Il poursuit ses observations ; il étudie la nature physique : tantôt il la considère dans toute son étendue, comme ne formant qu’un seul et immense ouvrage ; tantôt il la suit dans ses détails. La nature vivante et la nature morte, l’être brut et l’être organisé, les différentes classes de grandeurs et de formes, les destructions et les renouvellements, les variétés et les rapports, rien ne lui échappe, comme rien ne l’étonne. J’aime à le voir debout sur la cime des Alpes, élevé, par sa situation, au-dessus de l’Europe entière, suivant de l’œil la course du Pô, du Rhin,