Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/153

Cette page a été validée par deux contributeurs.

gion en laquelle Dieu m’a fait la grâce d’être instruit dès mon enfance, et me gouvernant en toute autre chose suivant les opinions les plus modérées et les plus éloignées de l’excès qui fussent communément reçues en pratique par les mieux sensés de ceux avec lesquels j’aurois à vivre. Car, commençant dès lors à ne compter pour rien les miennes propres, à cause que je les voulois remettre toutes à l’examen, j’étois assuré de ne pouvoir mieux que de suivre celles des mieux sensés. Et encore qu’il y en ait peut-être d’aussi bien sensés parmi les Perses ou les Chinois que parmi nous, il me sembloit que le plus utile étoit de me régler selon ceux avec lesquels j’aurois à vivre ; et que, pour savoir quelles étoient véritablement leurs opinions, je devois plutôt prendre garde à ce qu’ils pratiquoient qu’à ce qu’ils disoient, non seulement à cause qu’en la corruption de nos mœurs il y a peu de gens qui veuillent dire tout ce qu’ils croient, mais aussi à cause que plusieurs l’ignorent eux-mêmes ; car l’action de la pensée par laquelle on croit une chose étant différente de celle par laquelle on connoît qu’on la croit, elles sont souvent l’une sans l’autre. Et, entre plusieurs opinions également reçues, je ne choisissois que les plus modérées, tant à cause que ce sont toujours les plus commodes pour la pratique, et vraisemblablement les meilleures, tous excès ayant coutume d’être mauvais, comme aussi