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vois guère de quoi m’assurer, et que j’y remarquois quasi autant de diversité que j’avois fait auparavant entre les opinions des philosophes. En sorte que le plus grand profit que j’en retirois étoit que, voyant plusieurs choses qui, bien qu’elles nous semblent fort extravagantes et ridicules, ne laissent pas d’être communément reçues et approuvées par d’autres grands peuples, j’apprenois à ne rien croire trop fermement de ce qui ne m’avoit été persuadé que par l’exemple et par la coutume : et ainsi je me délivrois peu à peu de beaucoup d’erreurs qui peuvent offusquer notre lumière naturelle, et nous rendre moins capables d’entendre raison. Mais, après que j’eus employé quelques années à étudier ainsi dans le livre du monde, et à tâcher d’acquérir quelque expérience, je pris un jour résolution d’étudier aussi en moi-même, et d’employer toutes les forces de mon esprit à choisir les chemins que je devois suivre ; ce qui me réussit beaucoup mieux, ce me semble, que si je ne me fusse jamais éloigné ni de mon pays ni de mes livres.


SECONDE PARTIE.

J’étois alors en Allemagne, où l’occasion des guerres qui n’y sont pas encore finies m’avoit appelé ; et comme je retournois du couronnement de