Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pas impossible d’en prolonger l’existence. Si c’est un songe, c’est du moins un beau songe, et il est doux de s’en occuper. Il y a même un coin de grandeur dans cette idée ; et les moyens que Descartes proposa pour l’exécution de ce projet n’étoient pas moins grands : c’étoit de saisir et d’embrasser tous les rapports qu’il y a entre tous les éléments, l’eau, l’air, le feu, et l’homme ; entre toutes les productions de la terre, et l’homme ; entre toutes les influences du soleil et des astres, et l’homme ; entre l’homme enfin, et tous les points de l’univers les plus rapprochés de lui : idée vaste, qui accuse la foiblesse de l’esprit humain, et ne paroît toucher à des erreurs que parceque, pour la réaliser, ou peut-être même pour la bien concevoir, il faudroit une intelligence supérieure à la nôtre. On voit par là dans quelle vue il étudioit la physique. On peut aussi juger de quelle manière il pensoit sur la médecine actuelle. En rendant justice aux travaux d’une infinité d’hommes célèbres qui se sont appliqués à cet art utile et dangereux, il pensoit que ce qu’on savoit jusqu’à présent n’étoit presque rien, en comparaison de ce qui restoit à savoir. Il vouloit donc que la médecine, c’est-à-dire la physique appliquée au corps humain, fût la grande étude de tous les philosophes. Qu’ils se liguent tous ensemble, disoit-il dans un de ses ouvrages ; que les uns commencent où les autres auront fini : en joignant ainsi les vies de plusieurs hommes et les travaux de plusieurs siècles, on formera un vaste dépôt de connoissances, et l’on assujettira enfin la nature à l’homme. Mais le premier pas étoit de bien connoître la structure du corps humain. Il commença donc l’exécution de son plan par l’étude de l’anatomie. Il y employa tout l’hiver de 1629 ; il continua cette étude pendant plus de douze ans, observant tout et expliquant tout par les causes naturelles. Il ne lisoit presque point, comme on l’a déjà dit plus d’une fois. C’étoit dans les corps qu’il étudioit les corps. Il joignit à cette étude celle de la chimie, laissant toujours les livres et regardant la nature. C’est d’après ces travaux qu’il com-