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nature[1], ou[2] faire ses affaires particulières sans injustice, comme Platon[3], ou autre chose ? — Mais voilà, direz-vous, tout renfermé, en un mot. — Oui, mais cela est inutile, si on ne l’explique ; et quand on vient à l’expliquer[4], dès qu’on ouvre ce précepte qui contient tous les autres, ils en sortent en la première confusion que vous vouliez éviter[5]. Ainsi,

    prenant en deux mots toute la philosophie morale, sustine et abstine, soutiens les maux, c’est l’adversité ; abstiens-toi des biens, c’est-à-dire des voluptés et de la prospérité. » (De la Sagesse, II, vii, 4.)

  1. Montaigne avait écrit : « I’ay prins, comme i’ay dict ailleurs, bien simplement et cruement, pour mon regard, ce precepte ancien ; que « Nous ne sçaurions faillir à suyvre nature : » que le souverain precepte, c’est de « Se conformer à elle » (III, xii) et « Nature est un doulx guide… ie gueste partout sa piste : nous l’avons confondue de traces artificielles ; et ce souverain bien academique et peripatetique qui est « vivre selon icelle » devient à cette cause difficile à borner et à expliquer. » (III, 13.) — Dans le Second Livre de la Sagesse, Charron intitule un paragraphe (le septième du ch. iii). Faut suivre nature dont il fait la vraie et essentielle prudhomie : « Voilà pourquoi la doctrine de tous les sages porte que bien vivre, c’est vivre selon nature, que le souverain bien en ce monde c’est consentir à nature, qu’en suivant nature comme guide et maîtresse, l’on ne faudra jamais. » Et il cite Sénèque dans la Préface de la Sagesse, où il écrit : « Suivre nature, celui-ci a grande étendue, et presque seul suffirait. »
  2. Ou, surcharge.
  3. Formule empruntée à Montaigne, III, 9 : « N’y desdire Platon, qui estime la plus heureuse occupation à chascun, faire ses particuliers affaires sans injustice. » Ce qui renvoie à ce passage d’une lettre attribuée à Platon (lettre IX à Archytas, 357, sub fine) : « que ce soit le plus agréable dans la vie, de faire ses propres affaires, surtout quand il s’agit d’entreprises comme les tiennes, c’est ce que presque tout le monde reconnaît. »
  4. [La confusion.]
  5. Montaigne avait dans un autre ordre d’application développé une pensée analogue : « Ces iugements universels, que ie veois si ordinaires, ne disent rien ; ce sont gents qui saluent tout un peuple en foule et en troupe : ceux qui en ont vraye cognoissance, le saluent et remarquent nommément et particulierement ; mais c’est une hazardeuse entreprinse : d’où i’ay veu, plus souvent que touts les iours,