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bien, mais du nôtre ; et ainsi ce bienfait nous le rend aimable, outre que cette communauté d’intelligence que nous avons avec lui incline nécessairement le cœur à l’aimer.

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Eloquence qui persuade par douceur, non par empire 1, en tyran, non en roi 2.


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Cf. B., 343 ; C, 29G ; i3a ; Mich., 334. Faug., I, a58 ; Hay., xxv, 118 bis ; Mol.

1. Le commentaire de cette pensée est fourni par le passage suivant des Réflexions sur l’Art de persuader : « Personne n’ignore qu’il y a deux entrées par où les opinions sont reçues dans l’âme, qui sont ses deux principales puissances, l’entendement et la volonté. La plus naturelle est celle de l’entendement, car on ne devrait jamais consentir qu’aux vérités démontrées ; mais la plus ordinaire, quoique contre la nature, est celle de la volonté ; car tout ce qu’il y a d’hommes sont presque toujours emportés à croire non pas par la preuve, mais par l’agrément. Cette voie est basse, indigne et étrangère : aussi tout le monde la désavoue. Chacun fait profession de ne croire et même de n’aimer que ce qu’il sait le mériter. » C’est à l’entendement qu’appartient légitimement l’empire de la persuasion, il est le roi ; la volonté l’usurpe par la douceur, et exerce la tyrannie. Cette distinction de roi et de tyran était familière à Pascal. Dans le fragment 3 10, il en donne une nouvelle application : par delà l’empire de « l’éloquence et de la « douceur », il y a celui de la force, qui est comme un degré nouveau d’usurpation, et qui est comme une tyrannie vis-à-vis de cette royauté déjà usurpée : « L’empire fondé sur l’opinion et l’imagination règne quelque temps, et cet empire est doux et volontaire ; celui de la force règne toujours. Ainsi l’opinion est comme la reine du monde, mais la force en est le tyran. »

2. La pensée 16 de notre petite édition in-16, avec laquelle nous conservons la concordance, était un fragment emprunté à l’édition Bossut (Supplément XXVII) et reproduit par les différents éditeurs (Faug., I, 247 ; Ha.v., XXIV, 87 ; Mol., II, i3i ; Mich., 989). L’abbé Bossut n’en avait pas indiqué l’origine ; nous l’avons retrouvée dans YHistoire de l’abbaye de Port-Royal par le docteur Besoigne (11° par tie, livre VI ; t. IV, p. A67), Cologne, 1702. L’auteur s’exprime ainsi