Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/341

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’expression en passe tons les hommes, et le sentiment n’en appartient[1] qu’a peu d’hommes.

Et les esprits fins, au contraire[2], ayant ainsi accoutumé à juger d’une seule vue, sont si étonnés — quand on leur présente des propositions où ils ne comprennent rien, et où pour entrer il faut passer par des définitions et des principes si stériles, qu’ils n’ont point accoutumé de voir ainsi en détail — qu’ils s’en rebutent et s’en dégoûtent[3].

Mais les esprits faux ne sont jamais[4] ni fins ni géomètres.

Les géomètres qui ne sont que géomètres[5] ont donc l’esprit droit, mais pourvu qu’on leur explique bien toutes choses par définitions et principes ; autrement ils sont faux et insupportables, car ils ne sont droits que sur les principes bien éclaircis.

Et les fins qui ne sont que fins ne peuvent[6] avoir la patience de descendre jusque dans les premiers principes des choses spéculatives et d’imagination[7]

  1. [Qu’aux grands hommes.]
  2. Il est assez piquant de relever ici deux annotations manuscrites de Sainte-Beuve dans l’édition des Pensées conservée à la Bibliothèque de la Société de l’Histoire du protestantisme ; en face des géomètres, Sainte-Beuve écrit : Arnauld ; en face des esprits fins : Madame de Longueville.
  3. Nicole reprendra ces expressions dans la Préface aux Nouveaux éléments de géométrie, où il fait mention expresse de Pascal : « Plusieurs personnes s’en rebutent [des vérités difficiles] par une certaine paresse, ou plutôt par une délicatesse d’esprit qui leur donne du dégoût de tout ce qui demande quelque effort et quelque sorte de contention » (Œuvres d’Arnauld, Ed. de Lausanne, t. XLII, p. 9).
  4. Jamais en surcharge.
  5. Qui ne sont que géomètres en surcharge.
  6. [Se porter à considérer les choses spéculatives.]
  7. [Et se les rendre familiers.]