Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/236

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tir de ce qu’ils ont à faire et à combien de choses ils doivent pourvoir, pour donner quelque vraisemblance à leurs conjec tures.

Qu’ils nous apprennent premièrement par quel hasard Moïse a trouvé de si heureux et de si anciens fondements à son dessein, puisque apparemment il n’aurait jamais dit à ce peuple qu’il venait à eux de la part du Dieu de leurs pères, s’ils n’eussent eu quelque tradition qu’ils venaient de Jacob et d’Abraham, et que Dieu leur avait parlé. Et cette tradition, où l’avaient-ils prise ? Par où cette opinion, qu’il naîtrait un jour un grand roi de la race de Juda, s’était-elle établie et jusqu’à les obliger de garder si soigneusement leurs généalo gies, pour le reconnaître ? Comment ce Moïse, ou qui que ce soit, a-t-il pu si fort imprimer dans l’esprit de tous les Juifs l’attente de ce Messie, que depuis seize cents ans même qu’ils sont dispersés, et qu’ils ne voient nul eiTet de ces promesses, ils l’attendent toujours avec une patience et une fidélité sans exemple ? Comment cette longue suite de rois et de grands hommes, comment David et Salomon, ces gens si sages et si éclairés, ont-ils donné si aveuglément là-dedans et tiré de là ces écrits qui paraissent si élevés et si divins et qui ne seraient pourtant que des songes et des illusions ? Comment tout ce qu’il y a de sagesse et de vertu épurée dans le monde se trouve-t-il appuyé sur une imposture si signalée Pet comment jamais cet édifice de mensonges et de chimères ne s’est-il en rien démenti ?

Qu’ils nous fassent voir par quel hasard cette loi, inventée par un homme, se trouve en même temps la seule digne d’un Dieu, la seule contraire aux inclinations de la nature et la seule qui ait toujours été. Comment se peut-il faire qu’elle ait été composée avec tant d’artifice qu’elle subsiste et soit abolie et que, comme s’il y avait eu du concert entre Moïse et Jésus-Christ, le dernier, venu pour abolir la religion de l’autre, se fonde presque uniquement sur ce qu’elle porte et en tire ses principales preuves ; en sorte qu’il semble qu’elle ne fut qu’une figure de la sienne et qu’il n’y eût qu’à lever un certain voile pour l’y trouver ? D’où vient que depuis que l’on dit que ces nuages sont dissipés et que l’écorce, qui n’était rien, a laissé à découvert l’intérieur qui était tout, il se ren contre justement que les bénédictions promises à ceux qui