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ce qui est dit des plaies d’Egypte, il ait pu ajouter que le Roi et toute son armée avaient été engloutis par ïa mer qu’il venait d’ouvrir à ceux qui le suivaient, sans crainte que quelqu’un parmi les Égyptiens en publiât la fausseté, et comme si ce qu’il prétend avoir fait ensuite dans le désert, où il n’avait que ceux de sa nation pour témoins, ne lui eût pas suffi. Mais, ce qu’il y a encore d’admirable, quelle gloire tire cet homme de tout cela, quel avantage pour lui et pour sa famille ? Songe-t-il seulement à assurer le commandement à quelqu’un de ses parents ? Et avec quelle sincérité rapporte t— il jusqu’à ses moindres défauts, les faiblesses de son frère et les siennes propres, et ce manque de foi surtout qui paraît si étrange après tout ce qui lui est arrivé et qui l’em pêcha de jouir du fruit de tant de travaux !

Enfin, qu’on examine quelle est la loi qu’il a donnée aux Juifs, combien elle est sage et divine ; qu’on considère que tout ce qu’ont de bon toutes les lois du monde en a été tiré, et à quel point il faut avoir connu la malice des hommes pour y avoir si pleinement pourvu : et si cela ne suffît, qu’on la regarde encore sous une autre face. Pleine comme elle était d’observances et de cérémonies, où le moindre manque ment était si sévèrement puni, comment était-il possible qu’un peuple si changeant, et qui aimait si fort ses aises, et un peuple qui aurait vécu, ou sans religion, ou dans une religion païenne, s’y soumît si aveuglément, à moins que de regarder leur conducteur comme un homme envoyé de Dieu, et qu’ils ne fussent persuadés par la grandeur de ses actions ?

Tout cela est si convaincant que si l’opiniâtreté fait qu’on y résiste de bouche, il n’y a qu’un aveuglement horrible qui puisse empêcher qu’on ne s’y rende dans le cœur et qu’on peut délier hardiment qui que ce soit de forger là-dessus une supposition, dont un homme tant soit peu raisonnable se puisse contenter. Mais ce serait perdre le temps que de s’amuser à détruire ici de semblables suppositions ; il faudrait entrer pour cela dans un détail que les bornes qu’on s’est prescrites ne permettent pas : et même comme il est impossible que des gens s’imaginent que cela puisse être, que parce qu’ils vou draient en effet qu’il fût et que ce n’est pas aux nommés à changer le cœur, il serait inutile de les accabler de preuves, pomme on le pourrait aisément. On se contentera de les aver-