Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/226

Cette page n’a pas encore été corrigée

du néant pour posséder l’univers et pour en connaître l’au teur, il aspira à sortir de sa dépendance, à acquérir par soi même les connaissances qu’il avait plu à Dieu de lui cacher, et en un mot à devenir son égal.

Il n’est pas besoin d’exagération pour persuader, ni de beaucoup de lumière pour comprendre que c’a été le plus grand de tous les crimes, en toutes ses circonstances. Aussi fut-il puni comme il le méritait : et outre la mort dont Adam avait été menacé, il tomba encore dans un état déplorable, qui ne pouvait être mieux marqué que par cette raillerie si amère, qu’il eut la douleur d’entendre de la propre bouche de Dieu ; car au lieu de demeurer une image de la sainteté et de la justice de son auteur, comme il le pouvait, et de lui devenir égal, comme il l’avait prétendu, il perdit en ce moment tous les avantages dont il n’avait pas voulu bien user ; son esprit se remplit de nuages ; Dieu se cacha pour lui dans une nuit impénétrable ; il devint le jouet de la concupiscence et l’esclave du péché ; de tout ce qu’il avait de lumière et de connaissance, il n’en conserva qu’un désir impuissant de connaître, qui ne servit plus qu’à le tour menter ; il ne lui resta d’usage de sa liberté que pour le péché, et il se trouva sans force pour le bien. Enfin il devint ce monstre incompréhensible, qu’on appelle l’homme ; et com muniquant de plus sa corruption à tout ce qui sortit de lui, il peupla l’univers de misérables, d’aveugles et de criminels comme lui.

C’est ce que cet homme rencontre bientôt après, et dans tout le reste de ce livre, car M. Pascal supposant qu’il ne pouvait manquer d’être attiré par une si grande idée, et le lui faisant parcourir avec avidité, et même tous ceux de l’an cien Testament, il lui lit remarquer qu’il n’y est plus parlé que de la corruption de toute chair, de l’abandonnement des hommes à leur sens, et de leur pente au mal dès leur nais sance : et puis, s’étendant sur les choses qui rendent ce livre singulier et digne de vénération, il lui fit voir que c’était le seul livre du monde où la nature de l’homme fût parfaite ment peinte, et dans ses grandeurs, et dans ses misères, et lui montra le portrait de son cœur en une infinité d’endroits. Tout ce qu’il avait découvert, en s’étudiant lui-même, lui parut là-dedans au naturel ; et cette lecture ayant même