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maxime, que tout ce qui est l’objet de la foi ne saurait l’être de la raison, et beaucoup moins y être soumis.

Ces instructions, qui lui étaient souvent réitérées par un père pour qui il avait une très grande estime, et en qui il voyait une grande science accompagnée d’un raisonnement fort et puissant, faisaient tant d’impression sur son esprit, que, quelque discours qu’il entendit faire aux libertins, il n’en était nullement ému ; et, quoiqu’il fût fort jeune, il les regardait comme des gens qui étaient dans ce faux principe, que la raison humaine est au-dessus de toutes choses, et qui ne connaissaient pas la nature de la foi.

Mais enfin, après avoir ainsi passé sa jeunesse dans des occupations et des divertissements qui paraissaient assez inno cents aux yeux du monde, Dieu le toucha de telle sorte, qu’il lui fit comprendre parfaitement que la religion chrétienne nous oblige à ne vivre que pour lui, et à n’avoir point d’autre objet que lui. Et cette vérité lui parut si évidente, si utile et si nécessaire, qu’elle le fit résoudre de se retirer, et de se dégager peu à peu de tous les attachements qu’il avait au monde pour pouvoir s’y appliquer uniquement.

Ce désir de la retraite, et de mener une vie plus chrétienne et plus réglée, lui vint lorsqu’il était encore fort jeune ; et il le porta dès lors à quitter entièrement l’étude des sciences profanes pour ne s’appliquer plus qu’à celles qui pouvaient contribuer à son salut et à celui des autres. Mais de conti nuelles maladies qui lui survinrent le détournèrent quelque temps de son dessein, et l’empêchèrent de le pouvoir exécuter plus tôt qu’à l’âge de trente ans.

Ce fut alors qu’il commença à y travailler tout de bon ; et, pour y parvenir plus facilement, et rompre tout d’un coup toutes ses habitudes, il changea de quartier, et ensuite se retira à la campagne 1, où il demeura quelque temps ; d’où, étant de retour, il témoigna si bien qu’il voulait quitter le monde, qu’enfm le monde le quitta. 11 établit le règlement de sa vie dans sa retraite sur deux maximes principales, qui sont de renoncer à tout plaisir et à toute superfluité. Il les


i. Allusion, dont on remarque la discrétion, à la retraite à Port Royal-des-Champs.