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dont un particulier et un artisan ne parleraient qu’avec de grandes exagérations.

Voilà quelle est la pensée qui est contenue et renfermée sous le peu de paroles qui composent ce fragment ; et dans l’esprit des personnes raisonnables, et qui agissent de bonne foi, cette considération, jointe à quantité d’autres semblables, pouvait servir assurément de quelque preuve de la divinité de Jésus-Christ.

Je crois que ce seul exemple peut suffire, non seulement pour faire juger quels sont à peu près les autres fragments qu’on a retranchés, mais aussi pour faire voir le peu d’application et la négligence, pour ainsi dire, avec laquelle ils ont presque tous été écrits ; ce qui doit bien convaincre de ce que j’ai dit, que Pascal ne les avait écrits en effet que pour lui seul, et sans présumer aucunement qu’ils dussent jamais paraître en cet état. Et c’est aussi ce qui fait espérer que l’on sera assez porté à excuser les défauts qui s’y pourront rencontrer.

Que s’il se trouve encore dans ce recueil quelques pensées un peu obscures, je pense que, pour peu qu’on s’y veuille appliquer, on les comprendra néanmoins très facilement, et qu’on demeurera d’accord que ce ne sont pas les moins belles, et qu’on a mieux fait de les donner telles qu’elles sont, que de les éclaircir par un grand nombre de paroles qui n’auraient servi qu’à les rendre traînantes et languissantes, et qui en auraient ôté une des principales beautés, qui consiste à dire beaucoup de choses en peu de mots.

L’on en peut voir un exemple dans un des fragments du chapitre des Preuves de Jésus-Christ par les prophéties, qui est conçu en ces termes : « Les prophètes sont mêlés de prophéties particulières, et de celles du Messie : afin que les prophéties du Messie ne fussent pas sans preuves, et que les prophéties particulières ne fussent pas sans fruit. » Il rapporte dans ce fragment la raison pour laquelle les prophètes, qui n’avaient en vue que le Messie, et qui semblaient ne devoir prophétiser que de lui et de ce qui le regardait, ont néanmoins souvent prédit des choses particulières qui paraissaient assez indifférentes et inutiles à leur dessein. Il dit que c’était afin que ces événements particuliers s’accomplissant de jour en jour aux yeux de tout le monde, en la manière qu’ils les avaient pré-