Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/146

Cette page n’a pas encore été corrigée

dans la renonciation totale et douce à tout ce qui était lui, dans le don absolu de son être, le chrétien sentira Jésus qui a obtenu que Dieu travaille en lui, et qu’en lui s’accomplisse l’acte mystérieux de la réconciliation entre la créature et le Créateur.

Dès lors l’interversion entre l’esprit et le cœur — dont nous avions montré la nécessité pour des raisons négatives et encore extérieures — prend un sens positif et profond. Ce n’est plus la substitution d’une faculté de l’être à une autre faculté, comme dans l’Apologétique contemporaine qui procède de l’Eclectisme ; ce n’est pas un choix entre des procédés divers de démonstration, qui laisserait intact leur objet. La foi doit entrer par le cœur dans l’esprit, parce qu’il n’y doit rien subsister de comparable à la vérité des géomètres ou à la justice des moralistes ; la foi est un attachement de personne à personne, un don de Dieu qui a élu le cœur où il se rendra sensible. Point de loi qui domine la rencontre de volontés singulières, et permette d’en rendre raison : « Nos prières et nos vertus sont abominables devant Dieu, si elles ne sont les prières et vertus de Jésus-Christ. Et nos péchés ne seront jamais l’objet de la [miséricorde], mais de la justice de Dieu, s’ils ne sont [ceux de] Jésus-Christ. Il a adopté nos péchés, et nous a [admis à son] alliance ; car les vertus lui sont [propres, et les] péchés étrangers ; et les vertus nous [sont] étrangères, et nos péchés nous sont propres. Changeons la règle que nous avons prise jusqu’[ici] pour juger de ce qui est bon. Nous en avions pour règle notre volonté, prenons maintenant la volonté de [Dieu] : tout ce qu’il veut nous est bon et juste, tout ce qu’il ne veut [pas, mauvais][1]. » Plus étonnant enfin que

  1. Fr. 668.