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demeure lettre morte pour la masse des fidèles, pour la plupart des autorités qui se sont introduites dans l’Église, est que la révélation religieuse commence par confirmer l’homme dans son état de péché et de corruption. Et quand la religion nous fait connaître qu’il est venu un Rédempteur pour les hommes corrompus, elle ajoute que cette rédemption est seulement l’annonciation et la promesse de la vérité. Ceux-là seuls y parviendront, qui sauront ne rien attendre de leur raison propre, qui auront renoncé à leur jugement, à leur libre examen, qui se seront abandonnés eux-mêmes. Car cette vérité n’a rien d’humain ; par son origine et par son contenu elle est toute divine.

Cette vérité divine, qu’il est à jamais interdit de traduire en conception positive et en démonstration rationnelle, il est du moins nécessaire que nous nous la figurions de façon si indirecte que ce soit ; autrement nous serions tout à fait incapables d’y tourner notre attention, d’y attacher notre pensée, incapables de faire de notre intelligence l’auxiliaire de notre salut. Et ainsi se pose, sous sa forme originale, le problème pascalien de la vérité : comment l’œuvre de la rédemption peut-elle se représenter, à nous qui ne connaissons que notre corruption ? Une seule réponse est possible, c’est par notre corruption même que nous devons chercher à comprendre la rédemption ; la rédemption fait le contraire de ce que faisait la corruption, sans pourtant être moins opposée à la raison humaine. C’est nier la religion que de la sou mettre à la raison ; puisque la religion est vraie, et puis que la nature est corrompue, il faut qu’il y ait un ordre de vérité supérieur à la raison, qui soit exactement l’inverse de l’imagination que la raison condamnait comme inférieure à elle. La philosophie du sentiment est fausse,